Restauration de la Pallas de Velletri

September 2020
Le Louvre annonce la restauration d’Athéna, dite Pallas de Velletri, l’une des statues antiques parmi les plus insignes du musée du Louvre. Cette sculpture monumentale est la seule version de ce type statuaire aussi bien conservée. Réplique romaine d’un original grec en bronze créé autour de 430 av. J.-C., attribué à Crésilas, elle date elle-même du Ier siècle après J.-C.  L’artiste est aussi l’auteur du portrait de Périclès, comme en témoigne une parenté stylistique entre les deux œuvres. Avec des formes parfaitement idéalisées, la Pallas de Velletri est ainsi très représentative du classicisme grec du Ve siècle.
 Cette Sculpture, trouvée à Velletri au XVIIIe siècle, représente la déesse Athéna (Pallas ou Minerve pour les Romains), identifiable grâce à ses attributs dans l’iconographie grecque : le casque de la déesse guerrière et  l'égide, bordée de serpents et ornée au centre de la tête de la Gorgone Méduse, offerte par son père Zeus qui lui sert d’armures. 
 
En trente ans l’œuvre s’était partiellement encrassée, les joints entre les fragments antiques, ou avec les parties modernes, avaient soufferts. 
La campagne de restauration de la Pallas  de Velletri réalisée par Anne Liégey associée à Nathalie Bruhière, a permis de nettoyer la surface du marbre, d’effectuer une reprise des bouchages et de faciliter la compréhension de la fixation du bras droit, en fort porte-à-faux. 
 
Histoire d'une découverte exceptionnelle : la Pallas de Velletri
 
Cette statue colossale de 3.05m de hauteur fut découverte en 1797 parmi les ruines d’une villa romaine dans un champ de vigne à Colle Troncavie, près de Velletri, territoire alors conquis par la France.
Le sculpteur Vincenzo Pacetti en fit l’acquisition et fut certainement le premier à la restaurer. Cependant, les commissaires du Directoire la revendiquèrent pour la France et, après avoir procédé au remboursement de Pacetti, firent transporter la statue à la Villa Médicis d’où elle devait être conduite à Paris. Toutefois lors de l’invasion de Rome en 1798, l’armée napolitaine s’empara du marbre avant son départ. Le roi de Naples confisqua la statue jusqu’en 1801 où elle fut échangée, lors du traité de Florence, contre des planches de l’ouvrage d’Herculanum que des émigrés italiens avaient vendues au gouvernement de la République. La Pallas de Velletri ne rejoignit le Louvre qu’après de longues tractations et en 1803, à la demande de Napoléon Bonaparte, elle fut installée dans la salle des empereurs puis dans la salle des muses pour être finalement disposée dans la salle de la Pallas à partir de 1815. En Janvier 1804, une médaille frappée pour la célébration du Code civil représentait la Pallas de Velletri au revers et à l’avers figurait un portrait en pied de l’empereur Napoléon Ier : symbole puissant qui marque l’importance de la statue dans les collections des antiquités du musée Napoléon.

État de conservation de la Pallas de Velletri 
 
La majeure partie de la statue est antique. Elle est complète à l’exception de ses attributs (lance, phiale ou chouette) ainsi que du cimier du casque. Le marbre ne présente pas d’altérations majeures. 
L’hypothèse a été émise qu’un polissage a pu être effectué au XIXe siècle : seul l’épiderme du visage, dont la texture est très lisse, semble nous indiquer que la carnation a peut-être été polie dans ce secteur. La polychromie présente sur cette dernière partie (paupières et commissures des lèvres) a fait l’objet d’une étude en laboratoire en 1992, le prélèvement effectué sous la paupière de l’œil droit a permis de mettre en évidence les grains présents dans le pigment. Ainsi des traces de sulfate de baryum, charge qui apparait dans les peintures au début du XIXe  siècle, ont été détectées et cette analyse introduit un doute sur l’originalité de la polychromie rose. La polychromie semble en bonne partie moderne. Cependant, l’absence d’échantillons comparatifs d’œuvres gréco-romaines ne permet pas d’affirmer cette conclusion avec certitude. 
 
 
Historique des interventions sur la Pallas de Velletri
 
 Les interventions sur l’œuvre sont difficiles à retracer avant 1992, aucun document d’archive ne mentionne des restaurations avant cette date :
-1798 : restauration supposée par Vicenzo Pacetti. Il est seulement précisé qu’elle eut lieu à Rome et ne remplissait pas l’intention originale du sculpteur antique. 
-23 Février 1804 : un extrait de correspondance entre le directeur général du musée Napoléon, Dominique-Vivant Denon, et le citoyen Artaud indique que ce dernier offrit au musée des fragments originaux de la statue (main et avant-bras droit). (ref : AMN, correspondance administrative de Vivant Denon).
-1804 : mention d’une possible intervention visant à restituer la main et une partie de l’avant-bras droits de la statue, d’après les modèles originaux alors nouvellement acquis et dont nous ne connaissons pas l’emplacement actuel.
-1992 : restauration par Didier Besnainou. 
La statue présentait des traces de rouille à la hauteur de l’épaule droite et à l’arrière d’un pont unissant le bas de l’himation et la plinthe, elle avait aussi un aspect uniformément sale, sa couleur variant entre le beige ocré, le gris rosé et le noir franc. La main gauche fut démontée pour consolider les fragments. D’autres pièces instables ont été extraites pour être convenablement replacées (des éléments de drapé, des spires de serpents et la visière du casque). De plus l’emplâtre qui recouvrait la majeure partie de l’avant-bras droit fut retiré laissant apparaitre le marbre sous-jacent granuleux. 
 
Suite à la campagne d’analyse lancée en 2007 pour connaitre la provenance du marbre de la statue, l’identification se fit sans prélèvements, ni contacts, à l’aide de l’appareil de micro-fluorescence X mobile mis au point au C2RMF. L’étude a permis de conclure que le marbre employé est de type dolomitique, dont le profil est tout à fait comparable à celui des carrières de Cap Vathy à Thasos.  
 
L’étude qui vient d’être lancée a permis de cartographier les parties modernes et d’établir une série de relevés pour les documenter. 
L’analyse des différents marbres présents ainsi que des restes de polychromie confirment les résultats de 2007. Le marbre est bien du Thasos, dont on comprend actuellement de mieux en mieux l’utilisation à l’époque impériale.
 
La campagne de restauration de la Pallas Velletri a permis de nettoyer la surface du marbre, en partie encrassée ; d’effectuer une reprise des bouchages, altérés pour la plupart et de les retoucher ; ainsi que le comblement de certaines fissures par des solins afin d’éviter l’accumulation de poussière dans les creux ; enfin de procéder à la réfection de certains tasselli en mortier et poudre de marbre pour améliorer la lisibilité de certains rythmes de pli et motifs du drapé. 
 
Par ailleurs, l’étude a facilité la compréhension de la fixation du bras droit, en fort porte-à-faux, dont le système était inconnu jusque-là. Une grande pièce en marbre antique formant le flanc et l’aisselle droits assure le montage du bras. 
La main gauche, réputée moderne, a pu être entièrement cartographiée : véritable imbrications de parties antiques et modernes. Les pièces modernes sont parfois constituées de pièces sculptées à partir de marbre de Thasos, probablement prélevé sous la plinthe antique de la statue ; phénomène déjà connu, comme en témoigne l’Arès Borghèse.

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