Dialogues d’Antiquités orientales. The Met au Louvre.

Le Musée au musée


Prêt exceptionnel au DÉPARTEMENT DES ANTIQUITÉS ORIENTALES 

29 février 2024 - 28 septembre 2025

Le musée du Louvre accueille au département des Antiquités orientales dix oeuvres majeures du department of Ancient Near Eastern Art du Metropolitan Museum of Art de New York (The Met), actuellement fermé pour des travaux de rénovation globale.
Le musée du Louvre a ainsi pu concevoir avec le Met un dialogue inédit entre ces deux collections qui prendra place au sein des collections du Louvre.
Datées entre la fin du 4e millénaire avant J.-C. et le 5e siècle de notre ère, les œuvres du Met, invitées exceptionnelles, introduisent des correspondances remarquables avec les collections du musée, soit qu’elles forment ensemble une paire réunie pour la première fois à cette occasion, soit qu’elles se complètent du fait des spécificités liées à l’histoire respective des deux collections.
De l’Asie centrale à la Syrie en passant souvent par l’Iran et la Mésopotamie, ces dialogues d’oeuvres et de collections permettent de (re)découvrir autrement ces remarquables œuvres plurimillénaires et les histoires dont elles témoignent. 

Projet collectif coordonné par :
Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales, musée du Louvre et Vincent Blanchard, conservateur au département des Antiquités orientales, musée du Louvre.


CATALOGUE DE L’EXPOSITION

Ouvrage collectif dirigé par Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales et Hélène Le Meaux, conservateur au département des Antiquités orientales, musée du Louvre. 
Coédition musée du Louvre éditions / éditions Khéops. Bilingue français / anglais. 
Format 24 x 27 cm, 72 pages, 50 ill. Prix :12 €

À L’AUDITORIUM MICHEL LACLOTTE

Conférence - Présentation de l’exposition
Jeudi 29 février a 12h30
par Kim Benzel, directrice du Department of Ancient Near Eastern Art, Metropolitan Museum of Art, New York et Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales, musée du Louvre.
Cette rencontre exceptionnelle d’une sélection d’œuvres et les enjeux de leurs domaines sont abordés par les directeurs des deux départements d'Antiquités orientales pour un échange nourri de New York à Paris.

 

ENTRETIEN AVEC LES DIRECTEURS DES DEUX DÉPARTEMENTS D'ANTIQUITÉS ORIENTALES 

Dialogue entre les directeurs des deux départements d'Antiquités orientales :
avec Kim Benzel, directrice du Department of Ancient Near Eastern Art, Metropolitan Museum of Art et Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales, musée du Louvre.

Comment est né ce projet et qu’est-ce qui a guidé la sélection des œuvres ?

Kim Benzel : 
Le projet est né de la relation étroite entre nos deux musées et nos deux départements qui a permis de nourrir un dialogue régulier l'un avec l'autre. La fermeture de nos salles à New-York, pour rénovation, nous donne l’occasion de prêter une sélection d’œuvres à notre institution sœur, le Louvre. 

Ariane Thomas : 
En lien privilégié avec nos collègues du Met, leur fermeture pour rénovation est l’occasion de développer une présentation inédite pensée pour faire dialoguer les œuvres uniques et précieuses du Met avec les collections du Louvre, pour beaucoup issues de fouilles contextualisant d’autant mieux les œuvres du Met. Les unes et les autres se complètent ainsi pour mieux témoigner ensemble des cultures du Proche-Orient antique dont elles sont issues.

Est-ce que le dialogue des ces œuvres a permis des découvertes ? 
Quelles avancées scientifiques permet la rencontre de ces  collections ? 

Ariane Thomas : 
La rencontre de ces collections est en elle-même porteuse de (re)découvertes pour chacune des œuvres ainsi mises en dialogue. A titre d'exemple, un fragment trouvé en fouilles à Tello en Mésopotamie et conservé au Louvre permet d'attribuer et dater une tête acquise par le Met, jusque-là difficile à situer dans le temps et l'espace. En retour, cette tête permet de mieux comprendre à quelle partie correspond le fragment du Louvre.

Par ailleurs, un ensemble, longtemps présenté comme un collier, est exposé au Louvre grâce à nos collègues du Met dans son entièreté avec pendentifs mais aussi les autres objets avec lesquels ils auraient été trouvés, pour montrer qu'il devait s'agir d'une cachette peut-être monétaire. 

Est-ce que d’autres partenariats et regards croisés seront envisagés ?

Kim Benzel et Ariane Thomas : 
Nous poursuivons nos collaborations multiples tout en espérant que ce projet particulier inspire d'autres regards croisés, pour toujours plus de dialogues.

 

PARCOURS DE L’EXPOSITION

Stèle dite d’Ushumgal  et de Shara-igizi-Abzu (salle 235)

Les collections du Louvre présentent de très importantes œuvres datées du 3e millénaire avant J.-C. L’orant offert par le prince Ginak du musée du Louvre montre un personnage similaire à celui qui figure sur la stèle dite d’Ushumgal et de Shara-igizi-Abzu venue de New York : mêmes barbe et coiffure, même geste, même costume appelé kaunakès. Des figures comparables se retrouvent également sur le relief d’Ur Nanshe qui, comme la stèle dite des vautours - œuvre majeure de cette catégorie d’objets - présentent toutes deux un agencement des personnages disposés en registres et associés à des textes en écriture cunéiforme. On remarque aussi la similitude entre les vêtements et coiffures des personnages de cette stèle et ceux portés par d’autres individus sur des statues exposées dans cette salle, en vitrine 8. 

La stèle dite d’Ushumgal et de Shara-igizi-Abzu en pierre, gravée en relief, est recouverte d’inscriptions cunéiformes qui relatent une transaction foncière passée entre Ushumgal et sa fille Shara-Igizi-Abzu, personnages principaux représentés plus grands que les témoins qui les accompagnent.

Datée du début du 3e millénaire av. J.-C., cette stèle reprend les codes de représentation des figures humaines propres aux cités sumériennes de Mésopotamie. Ce document est la plus ancienne attestation de ces monuments documentant des transactions financières, qui étaient peut-être destinés à être exposés publiquement. Ce type de stèle préfigure ce que seront, plus d’un millénaire plus tard, les kudurrus, des actes de donation de terre inscrits dans la pierre. Elles figurent souvent des symboles de divinités, attestant par-là que la transaction a été réalisée sous protection divine, et qu’elle ne doit être ni remise en question, ni contestée. 

Tête de haut personnage au turban (salle 228)

La tête de haut personnage au turban du Met, l’un des rares vestiges conservés de la grande statuaire en alliage cuivreux, est exceptionnelle tant par le matériau utilisé, que par la qualité de sa réalisation. Cette tête grandeur nature aux traits réalistes, figure sans doute un prince ; avec des lèvres charnues, un nez et des oreilles proéminents, inhabituels dans le domaine mésopotamien et qui pourrait tout au moins représenter des caractéristiques d’ethnies à l’est, à moins qu’elles aient un rôle symbolique.

L’originalité de son turban et la quantité de métal employée pour cette fonte ont longtemps laissé penser que cette tête viendrait d’Iran occidental, une zone riche en cuivre. Cependant, un fragment de turban en pierre, conservé par le musée du Louvre, trouvé en fouilles à Tello en Mésopotamie, rouvre le débat tout en rappelant les liens forts entre ces deux zones. Le fragment en pierre, bien daté autour du 22e siècle av. J.-C., permet aussi de mieux dater la tête en cuivre. 

Cette dernière côtoie la statuette du prince Ur Ningirsu II de Lagash, partagée entre le Louvre (corps) et le Metropolitan Museum of Art (tête), qui est à Paris jusqu’à la réouverture des salles new-yorkaises. 

Dans cette salle, d’autres figures montrent un type différent de coiffe royale sous forme d’un bonnet couvrant le crâne : celle d’Ur-Ningirsu et les nombreuses représentations de son père Gudea, souverains de Girsu, l’actuel Tello.

La cachette dite de Dilbat (salle 227)

Présenté pour la première fois dans son entièreté, ce groupe (qui s’est s’avéré ne pas être un collier) constitue un ensemble d'objets précieux comprenant à la fois des éléments de parure, pendentifs et perles mais aussi des sceaux-cylindres, et des productions de bijoutiers inachevées.
Les textes cunéiformes contemporains nous apprennent que de tels éléments pouvaient également orner de riches vêtements, notamment royaux. Tout en remplissant leur rôle de parure, ces ornements jouaient un rôle de talisman protecteur, à l’instar des médaillons et des pendeloques en forme de foudre ou de croissant. 

Réputés provenir de la région de Babylone, ces objets devaient appartenir à un ensemble, enterré dans une jarre, selon une tradition bien connue en Mésopotamie. 

Ces objets constituent l’un des trop rares témoins de l’orfèvrerie en Mésopotamie toutes époques confondues, le métal précieux ayant souvent été remployé. Certains des objets présentés ici font référence à des divinités mésopotamiennes : les médaillons à rosettes évoquent probablement Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre, le médaillon à sept rayons symbolise le dieu Soleil Shamash, la pendeloque en forme de foudre représente Adad, dieu de l’orage et de la fertilité et celle en forme de croissant, Sîn, le dieu Lune. Les deux figures féminines représentent probablement Lama, une divinité protectrice de rang mineur et font écho à une paire de pendeloques en or pratiquement identiques conservées au Louvre et exposées dans une vitrine (5b) à proximité immédiate.

Taureau sauvage agenouillé tenant un vase À bec (salle 232)

Cette statuette en argent représente un taureau sauvage commun en Iran à cette époque. L’utilisation de l’argent et la technique employée illustrent les talents des métallurgistes iraniens à la fin du 4e millénaire av. J.-C. Cet objet témoigne également de l’originalité de l’art de l’époque proto-élamite (3300-3000 av. J.-C.), où les scènes de la vie quotidienne sont incarnées par l’animal et non pas l’homme. Ici, le taureau sauvage est agenouillé dans sa jupe et tend, entre ses sabots, un vase, attitude de dévotion courante. Cette position fait d’ailleurs écho à celle de plusieurs orants ou personnages en prière, plus anciens, exposés dans cette salle en vitrine 3. Empli de galets, le taureau sauvage a été interprété comme un instrument à bruits utilisé lors de cérémonies cultuelles. Il témoigne ainsi peut-être de pratiques rituelles encore méconnues pour l’Iran proto-élamite. 

Deux sculptures découvertes à Suse et légèrement antérieures permettent de faire un parallèle avec l’œuvre prêtée par le Met. Il s’agit de petites statuettes d’albâtre figurant des orants, des personnages en prière. Le personnage masculin est assis et tient devant lui un vase alors que le personnage féminin est agenouillé. Découvertes dans des dépôts rituels, les deux pièces renvoient à des pratiques cultuelles d’offrandes communes à l’époque. 

Hache ornée d’un combat mythologique (salle 305)

Par son décor élaboré, cette exceptionnelle hache d’apparat témoigne de l’univers symbolique des populations d’Asie centrale au début du 2e millénaire av. J.-C. Un combat mythologique s’y dessine entre trois protagonistes à l’allure fantastique. Au centre, un génie ailé, au corps musculeux surmonté de deux têtes de rapaces, maîtrise deux adversaires redoutables : un dragon ailé au corps de lion d’une part, un sanglier géant de l’autre. Selon les croyances de la région, le génie seconde la grande déesse centre-asiatique, garante de la fertilité et de la fécondité. En effet, il contrôle par son action les forces naturelles qui, comme le dragon et le sanglier retiennent les eaux et détruisent la végétation. Insignes honorifiques, retrouvés notamment dans des tombes de guerriers, ces haches ornées étaient répandues dans tout le plateau iranien, telles celles exposées dans cette salle.

Une empreinte de sceau des collections parisiennes montre une scène d’investiture présidée par un roi et célébrant un scribe du nom de Kuk-Simut. Lors de la cérémonie, une hache d’apparat à tête de serpent lui est remise. Le Louvre conserve d’ailleurs une hache de cuivre ornée d’une tête de cheval qui fait partie d’une même famille d’objets. Un petit cachet de métal montre combien les motifs d’animaux fantastiques sont appréciés, ici sous forme d’un génie ailé agenouillé et à tête de rapace rappelant celui qui orne la hache du Met.

Gobelet à décor de rapaces (salle 305)

Au tournant du 3e et du 2e millénaire avant notre ère, l'Asie centrale est réputée pour sa production de métal précieux. Sur ce vaste territoire, de nombreux objets similaires ont été retouvés dans les tombes de l’aristocratie guerrière, riche des précieuses ressources locales dont le lapis-lazuli et les minerais. Orné de rapaces fixés sur le pourtour de son col, un tel vase aurait pu être utilisé dans le cadre de cérémonies religieuses. Les oiseaux de proie sont en effet associés à la Grande Déesse comme au génie à tête de rapace qui la seconde. Prédateurs tout autant que charognards, ils sont également étroitement liés à la mort. C’est peut-être sous ce double aspect qu’ils sont convoqués ici, animant les parois de ce vase de prestige, qui conjuguerait fonctions liturgiques et funéraires.

Si le Louvre ne possède pas de vase équivalent à celui de New York, plusieurs œuvres peuvent éclairer sa forme et son utilisation. Une scène de banquet orne par exemple cette boîte d’argent et montre que le vase du Met devait être utilisé dans un cadre cérémoniel. Un petit cachet montre, lui, une déesse assise sur un monstre et qui tient un vase comparable. Enfin, le motif du rapace aux ailes éployées se retrouve sur le minuscule cachet de chlorite. Tous ces éléments confirment les hypothèses avancées quant à la forme et l’utilisation du vase rituel.

Clous de fondation en forme de lion (salle 302) 

Le Louvre possède dans ses collections le frère jumeau du lion du musée new-yorkais. Les deux œuvres sont sans doute de même époque et de même origine et figurent un lion rugissant. 

Image de force et de pouvoir, le lion est un animal symbolique. Dans le royaume d’Urkesh, au nord de la Syrie, la représentation de sa force devient protectrice. Gueule ouverte et griffes puissantes sorties, l’animal tient sous ses pattes une sorte de tablette, dont l’inscription est ainsi placée sous son contrôle. Cette démonstration de force émane aussi du style, mêlant réalisme et dynamisme. La partie postérieure de l’animal est escamotée, condensée en forme de clou. Ainsi fiché en terre, l’animal et ce qu’il protège, ancrent en terre et pour l’éternité l’édifice dont il orne les fondations. Si la tablette du Met est trop corrodée pour qu'on en lise l’inscription, celle du Louvre indique que le félin garantit l’intégrité du temple construit pour Nergal, dieu des Enfers, par le roi Tish-atal. Exclusivement rédigée en langue hurrite, c’en est à ce jour la plus ancienne attestation.

Orthostate avec relief : figure assise avec une fleur de lotus (salle 302) 

Ce bloc de basalte est un orthostate, une dalle décorée de reliefs. Il faisait partie d’une série de 240 dalles de basalte sombre et de calcaire clair qui embellissaient et protégeaient de la pluie et de l’érosion le soubassement de briques crues sur lequel était érigé le palais ouest de la ville araméenne de Guzana. Quatre reliefs du Louvre, exposés à proximité, appartiennent également à cette série. Les blocs en basalte (noirs) alternaient avec ceux en calcaire (blancs). 

Sur la face principale du bloc du Met, à gauche, un homme tient un lotus fané, représentation qui le désigne comme étant un souverain décédé et divinisé. Il est le garant, avec ses descendants, de l’ordre cosmique représenté sur la droite par deux hommes-taureaux soutenant, sur un piédestal, le disque solaire ailé. Sur le petit côté droit un guerrier armé d’une massue est vêtu d’une peau de bête.

Les blocs du Louvre permettent d’identifier quatre thématiques décoratives : la vie quotidienne est évoquée par la représentation d’une scène de culte, la conquête du pouvoir est illustrée par l’archer, la nature environnante par le lion et le monde surnaturel par le génie ailé. 

Rhyton à protomé de caracal (salle 310)

Les rhytons (vases à verser) en forme de corne à protomé (avant-train) d’animal sont caractéristiques des productions iraniennes au 1er siècle av. J.-C. Ils servaient durant des banquets pour verser le vin. Le caracal, une espèce locale de panthère, le lierre et la vigne étaient justement associés au dieu grec du vin Dionysos, dont le culte s’était largement répandu au Moyen-Orient après les conquêtes d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.). À la cour des rois ou des princes, les rhytons sont souvent réalisés en argent et sont l’occasion pour les métallurgistes de déployer toute leur virtuosité. Le réalisme et la pose de l’animal bondissant résultent ici de l’influence des œuvres grecques sur les productions iraniennes. Le Louvre possède également quelques rhytons, en argent ou en céramique pour les couches moins aisées de la société. Un exemplaire en céramique est visible dans cette salle en vitrine 3.

Plat avec représentation du roi sassanide YAZDGIRD Ier tuant un cerf (salle 310)

Des objets précieux provenant de l’empire sassanide (Iran) sont exposés dans la salle 310. 

Le vieux thème oriental du roi à la chasse est repris par les Perses de l’époque sassanide pour magnifier la valeur guerrière du souverain et son rôle symbolique dans le maintien du bon ordre du cosmos. Des attributs stéréotypés (auréole, rubans) permettent de reconnaître les rois sassanides, et une couronne composite différente était propre à chacun d’eux. La couronne crénelée munie du croissant de lune permet d’identifier ici Yazdgird Ier (399–420). De luxueux plats étaient fabriqués dans des ateliers royaux et offerts ensuite par les rois perses aux grands seigneurs ou aux souverains étrangers pour diffuser leur image. 

Dans les collections du Louvre, deux objets présentés dans cette salle en vitrine 5, témoignent également de la qualité de la production d’argenterie à cette époque. En particulier une bouteille et une coupe travaillées en argent et partiellement dorées. Ces pièces illustrent parfaitement l’excellence du travail des métaux précieux dans le monde iranien. Les représentations de danseuses dans un cadre d’éléments végétaux, comme le décor de la bouteille, sont courantes dans la vaisselle d’argent et illustrent l’art de vie raffiné des élites sassanides.

 

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