Si Paris apparaît au début du XVe siècle comme une des capitales européennes des arts, ce dont témoignent les documents écrits et quelques exemples d’architecture et d’orfèvrerie, bien peu de peintures sur bois peuvent aujourd’hui lui être attachées. C’est encore davantage le cas pour les années 1420-1430, alors que la capitale subit les ravages de la guerre de Cent ans, l’occupation anglaise entraînant la fuite des commanditaires et la dispersion des ateliers dans les villes du centre et du nord : l’œuvre pourrait donc provenir aussi d’un autre centre, attentif aux modèles parisiens.
Cette Vierge à L’Enfant nouvellement acquise semble ainsi le précieux témoin d’une période mal connue, postérieure à l’époque de Malouel et des Limbourg, et antérieure au renouveau des années 1450.
C’est davantage dans les livres enluminés que peuvent être trouvés des éléments de comparaison pertinents. On retrouve en effet dans ce panneau le sens du décor très graphique créé par la répétition et la juxtaposition de motifs variés qui caractérisent les livres enluminés dans les ateliers parisiens du premier tiers du siècle, en particulier ceux des prolixes Maître de Boucicaut et Maître de Bedford.
Le panneau peut également être rapproché du Maître de Rohan : ce très grand peintre, figure assez isolée et presque excentrique, partage avec l’auteur du panneau une même attention à l’expressivité des figures, qu’il cherche à exprimer par leurs proportions étirées et par l’élongation des doigts de mains et de pieds qui dépassent largement des robes. Mais c’est peut-être l’héritage de la génération précédente, des Limbourg en particulier, qui confère à l’œuvre sa grande douceur. Les modelés des visages de la Vierge et du saint évêque évoquent avec insistance leurs modèles.
Sans doute le charme très particulier de ce tableau tient-il alors aux tensions que l’on peut y voir : le sens graphique très assuré de ce peintre, qui fut vraisemblablement aussi enlumineur, et la rapidité de son geste, se lient paradoxalement à un soin précis porté aux parties orfévrées, comme à l’exécution des visages. La verve et la délicatesse se rencontrent alors dans cette œuvre où une certaine liberté de ton se laisse deviner, dans les propositions de composition originales comme le regard intense échangé entre l’Enfant et le saint évêque.