Chefs-d’œuvre de la collection Torlonia

26 juin - 11 novembre 2024

La plus grande collection privée de sculpture antique romaine conservée à ce jour – celle rassemblée par les princes Torlonia durant tout le XIXe siècle à Rome – se dévoile au public pour la première fois depuis le milieu du XXe siècle dans une série d’expositions-évènements. Et c’est au Louvre que les marbres Torlonia s’installent pour leur premier séjour hors d’Italie, dans l’écrin restauré qu’offrent les appartements d’été d’Anne d’Autriche, siège des collections permanentes de sculpture antique depuis la fin du XVIIIe siècle et la naissance du musée du Louvre.
Les collections nationales françaises se prêtent volontiers à un dialogue fécond avec les marbres Torlonia, qui interroge l’origine des musées et le goût pour l’Antique, élément fondateur de la culture occidentale.

Cette exposition met en lumière des chefs-d’œuvre de la sculpture antique et invite à la contemplation de fleurons incontestés de l’art romain, mais également à une plongée aux racines de l’histoire des musées, dans l’Europe des Lumières et du XIXe siècle.

Née de l’amour pour la sculpture antique des princes de la famille, héritiers des pratiques nobiliaires de la Rome des papes, la collection Torlonia entendait, surtout avec l’ouverture du Museo Torlonia dans les années 1870, rivaliser avec les grands musées publics – du Vatican, du Capitole, du Louvre.

Cette collection Torlonia, célèbre en Italie, fait l’objet depuis 2020 d’expositions-évènements qui proposent au public la redécouverte d'un ensemble de sculpture romaine de premier ordre, après la longue éclipse du musée aménagé par Alessandro Torlonia en 1876, fermé au milieu du XXe siècle. Les deux étapes romaine et milanaise, dont le commissariat fut assuré par Salvatore Settis et Carlo Gasparri sous la supervision de la Surintendance Spéciale de Roma étaient construites autour d’une histoire à rebours de la collection.

L’exposition parisienne est née du souhait de présenter au public, dans un lieu chargé de l’histoire des  musées de sculpture antique, cette collection méconnue en France. Elle propose une plongée esthétique et archéologique à la découverte des œuvres exceptionnelles de la collection Torlonia, tout en saisissant l’opportunité d’un dialogue avec les collections du Louvre. Elle prendra place dans les Appartements d’été d’Anne d’Autriche et leur prolongement naturel, la salle dite d’Auguste, lieu de présentation muséale de la sculpture romaine, au Louvre, depuis 1800. Ces salles ont été entièrement restaurées en vue d’accueillir ensuite le nouveau parcours de présentation des collections romaines du Louvre.

L’exposition au public d’une collection de sculpture antique de très haut niveau artistique, d’accès confidentiel jusqu’à une date très récente, dans un espace particulièrement marqué par la tradition palatiale de présentation de la sculpture, d’une signification historique de tout premier plan dans l’histoire des musées constituent ainsi un triple évènement en 2024. Soutenue par une sélection d’œuvres de qualité exceptionnelle, l’exposition, bâtie avec les chefs-d’œuvre de la collection Torlonia, portera l’accent sur une présentation des genres emblématiques de la sculpture romaine, et des styles artistiques riches et divers que celle-ci révèle. Portraits, sculpture funéraire, copies d’originaux grecs fameux, œuvres au style rétrospectif nourries au classicisme ou à l’archaïsme grecs, figures du thiase et allégories dévoilent un répertoire d’images et de formes qui fait la force de l’art romain. Par ailleurs, un dialogue s’instaure entre deux collections sœurs, en mettant en regard les sculptures du Louvre et celles du musée Torlonia du point de vue de l’histoire des collections.

Commissariat général : Cécile Giroire, directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.
Commissariat  scientifique : Martin Szewczyk, conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre.
Commissaires associés : Carlo Gasparri, Universita Federico II di Napoli, Accademia dei Lincei et Salvatore Settis, Scuola Normale Superiore di Pisa, Accademia dei Lincei et membre de l'Institut, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Sous la supervision de la Surintendance Spéciale de Rome.

Un immense trésor de sculptures antiques. Le musée Torlonia

L’exposition retrace une histoire de la collection, jadis exposée au Museo Torlonia, dont les contours sont dessinés par les conditions dans lesquelles elle fut assemblée. Faite de pièces issues du sol même de la ville de Rome ou de ses environs immédiats, au centre du pouvoir et de la production artistique dans l’Occident romain, elle est constituée de sculptures qui sont du ressort de l’art savant, d’une grande qualité d’exécution. Elle est également composée d’œuvres de collection, sorties de terre parfois depuis le XVe ou le XVIe siècle, et, du fait de cette longue histoire, transformées et adaptées au goût du jour.

La spécificité de la collection Torlonia, à la fois dernière collection princière de Rome et musée tourné vers le futur, est incarnée par une pièce exceptionnelle, très renommée déjà au XVIIe siècle : le Caprone restauré par Le Bernin. Renfermant des chefs-d’œuvre de la sculpture romaine, le Museo Torlonia, fondé selon le principe d’une sélection critique et d’une disposition scientifique des collections, demeure marqué de l’empreinte du collectionnisme.

Les origines de la collection et l’importance du choix conduisit, dans la seconde moitié du XIXe siècle, Alessandro Torlonia à en faire un musée ouvert à de petits groupes de visiteurs, selon une démarche nouvelle, pour cette catégorie particulière d’œuvres d’art appelées les antiques. S’éloignant du collectionnisme, le musée d’Alessandro Torlonia n’en demeure pas moins profondément marqué par lui, fruit de la rencontre de deux dynamiques historiques : le goût aristocratique pour les antiques, d’une part, la naissance de la discipline archéologique, d’autre part.

Catalogue de l’exposition
Chefs-d’œuvre de la collection Torlonia. 
Sous la direction de Martin Szewczyk, Carlo Gasparri et Salvatore Settis.
Coédition  : Louvre éditions/ Le Seuil. 190 illustrations, 340 pages.Format : 24 x 28 cm. Prix : 45 € TTC.

À l’Auditorium Michel Laclotte
Jeudi 27 juin à 12 h 30 et à 19 h.
Présentations de l’exposition : Chefs-d’œuvre de la collection Torlonia,
par Cécile Giroire et Martin Szewczyk, musée du Louvre.

 

PARCOURS DE L’EXPOSITION

UN PEUPLE DE STATUES. PORTRAITS

Parmi les genres emblématiques de la sculpture romaine, le portrait occupe une place essentielle. Fleuron de l’art romain et de celui de l’Antiquité classique de manière plus générale, comme vient le rappeler dans la collection Torlonia ce chef d’œuvre qu’est la Fanciulla di Vulci, le portrait explore, au sein d’un spectre de possibilités variées allant de l’idéalisation des traits à leur rendu fidèle, la possibilité de transcrire par des moyens artistiques une individualité. Le Museo Torlonia réservait une part importante au portrait : la grande série de 109 portraits restaurés en bustes qui, de Marius à Crispus du Ier siècle av. J.-C. à la fin de l'Empire romain, au Ve siècle de notre ère, entendait donner une image complète de l’histoire romaine à travers ses principaux protagonistes, s’inscrit pleinement dans la tradition humaniste attachée à retrouver les effigies des personnages célèbres de l’Antiquité. La forme du buste, certes d’origine antique, est typique du collectionnisme nobiliaire des XVIIe et XVIIIe siècles, et permet à la série de présenter une forme unifiée.

La sélection de portraits impériaux constituée de pièces d’une haute qualité artistique, est également emblématique de cette démarche moderne. Certaines pièces emblématiques illustrent les évolutions de l’image impériale, de l’Auguste du type Prima Porta au Septime Sévère du type Petworth. Le buste de jeune femme dite Aquilia Severa dans le catalogue du musée Torlonia, est digne de figurer, sans conteste, parmi les chefs-d’œuvre du genre au début du IIIe siècle de notre ère. Mais si l’art du portrait romain a atteint des sommets de qualité esthétique, il le doit en bonne partie à l’héritage artistique grec, pourvoyeur de modèles et de techniques artistiques. Deux œuvres incarnent le point de rencontre de ces deux traditions, grecque et romaine, et confrontent visuellement deux approches d’un même sujet, une face sévère et âgée : le portrait dit Euthydème de Bactriane et le Vieillard d’Otricoli sont tous deux représentatifs de ce besoin de transcription aigue de la physionomie individuelle.

Si aujourd’hui, dans le domaine du portrait grec et romain, la question de l’identification des personnages portraiturés s’est déplacée vers l’analyse stylistique puis vers la compréhension des mécanismes sociaux et politiques, la collection Torlonia, nous livre un état pétrifié de l’intérêt pour le portrait romain au XIXe siècle. La statue masculine en bronze restaurée avec un portrait de Germanicus - seule œuvre non marmoréenne du Museo Torlonia - vient ainsi idéalement rappeler que la plupart des portraits antiques, installés dans l’espace public, étaient en bronze, et qu’un bon nombre d’entre eux étaient surtout des représentations en pied, où le corps remplissait une fonction iconographique.

OPERA NOBILIA. UN ART DE LA COPIE

La copie de sculptures grecques célèbres se développe à partir du IIe siècle avant notre ère, pour constituer, à l’époque impériale romaine, un mode d’expression artistique tout à fait particulier. La reproduction des originaux se fait grâce à des techniques de report de mesures servant à guider le sculpteur, tandis que la diffusion des modèles est assurée par des prises d’empreintes et la fabrication de tirages en plâtre (dont certains ont été retrouvés en fouilles). Copier les opera nobilia de la sculpture grecque devient une pratique caractéristique et emblématique de l’art romain, qui traduit la constitution d’un canon d’œuvres consacrées du point de vue artistique.

Le Museo Torlonia est contemporain du grand mouvement académique de développement, à partir du milieu du XIXe siècle, de la méthode de croisement des sources antiques et du corpus des copies romaines pour la connaissance de l’art grec. La restauration des sculptures intègre les progrès de cette recherche. La collection recèle plusieurs copies romaines qui se prêtent à un discours sur cette pratique née dans le monde hellénistique, mais portée à son acmè aux premiers siècles de l’Empire romain. La qualité artistique de célèbres originaux grecs est perceptible sous le ciseau même du copiste. La mise en regard de deux répliques d’un original, le Satyre au repos permet d’appréhender la problématique de la copie, si décisive pour la compréhension de la démarche artistique romaine. Si l’Hestia Giustiniani, dont le prototype est attribuable à un maître du tout début de l’époque classique (470-460 av. J.-C.), est une sculpture dont la qualité  d’exécution est telle qu’elle a pu être attribuée à un atelier de premier plan, d’autres répliques témoignent elles aussi de cette réception des originaux admirés à l’époque impériale. Toutes attestent et illustrent ce fait essentiel à la compréhension de l’art romain dit « savant » : l’art des sculpteurs comme les désirs des commanditaires sont profondément marqués par une culture esthétique tournée en direction des modèles grecs, et plus particulièrement, des chefs-d’œuvre grecs du passé.

UN ART SAVANT. LES STYLES DU PASSÉ GREC

Pline l’Ancien a témoigné dans ses écrits que les modèles préparatoires du sculpteur grec Arkésilaos, actif au milieu du Ier siècle av. J.-C. à Rome, se vendaient plus cher que les œuvres achevées des autres artistes. Les sculpteurs grecs travaillant à Rome à partir du IIe et surtout du Ier siècle avant notre ère vont offrir à leur clientèle romaine un répertoire éclectique de formes tirées des expériences artistiques de la Grèce archaïque, classique et hellénistique. Ils vont réélaborer de nouveaux modèles à partir de ces formes anciennes. L'activité de ces ateliers que l’on dit néo-attiques va avoir, pour l’art romain en général, des conséquences qui dépassent le domaine de la sculpture : tous les artistes et les artisans romains, vont utiliser ces modèles dans de nombreux domaines de la création figurée.

La collection Torlonia, formée sur l’épicentre de cette activité foisonnante et éclectique, porte  l’empreinte de ce phénomène artistique. On recrée des figures de ménades tirées de l’œuvre du sculpteur attique Callimaque (fin du Ve siècle av. J.-C.) pour décorer du mobilier de luxe, en marbre, comme le grand cratère de la collection Torlonia. Ces recherches artistiques ont tout d'un néoclassicisme.

La Tazza Albani, décorée sur son extérieur de scènes figurant les travaux d’Hercule, se situe dans le même filon. Les scènes individuelles qui le décorent, témoignent de la reproduction sur un support différent, à la fin du Ier siècle av. J.-C. de prototypes conçus dans la seconde moitié du IVe siècle.

La juxtaposition de figures élaborées à partir de prototypes stylistiquement très divers est manifeste sur l’autel à trois divinités : Zeus et Athéna, dont le graphisme des draperies, la stylisation ornementale des barbes et des chevelures, la pose presque raide des figures, s’oppose très nettement au plissé creusé et plastique, à la coiffure libre et au déploiement de la figure féminine qui leur fait face. Conséquence directe de cet art savant, pétri de références, les sculpteurs revisitent et mélangent, souvent de façon éclectique, les modèles grecs.

Ce foisonnement de styles et d’images est à l’origine de l’une des caractéristiques les plus marquantes de l’art romain, qui est son éclectisme.

ENTRER DANS LA DANSE. MODERNITÉ HELLÉNISTIQUE

 La démarche rétrospective adoptée par les sculpteurs grecs de la fin de l’époque hellénistique, pour répondre aux goûts et aux intentions de commanditaires romains, structure profondément les rapports entre art grec et art romain (comme le montre la découverte d’œuvres d’art retrouvées dans les jardins de l’aristocratie romaine). Et la réception romaine de l’art grec n’a pas moins embrassé les styles et les motifs de la modernité hellénistique.

L’imagerie dionysiaque - aussi pittoresque que les sujets de genre - était prédestinée au décor des espaces domestiques de l’élite. Le groupe exceptionnel de l’invitation à la danse, découvert sur sur le site archéologique de la Villa dei Sette Bassi, regroupant les figures du satyre danseur et de la nymphe assise est plus communément attesté par l’iconographie monétaire.

Les images du cortège dionysiaque et de son extase, prisées des artistes néo-attiques, sont l'occasion pour les sculpteurs de déployer un art baroque, nourri d'expressivité et de sensualité corporelle. La superbe copie, restaurée en buste, du type du satyre ivre d’Herculanum, dont l’expressivité et le mouvement appuyé sont caractéristiques des recherches des sculpteurs pergaméniens du IIe siècle avant notre ère, et le charmant Silène du type Cesi en sont deux déclinaisons, qui se rattachent à la même veine artistique que les sujets de genre. On doit aussi aux expériences hellénistiques, le développement de l’imagerie égyptisante, allégorique (statue du Nil autrefois à Villa Barberini) ou relative au développement remarquable des cultes alexandrins d’Isis, Sérapis et Harpocrate.

Cette modernité hellénistique constitue une autre facette de l’importance considérable des formes grecques pour la culture artistique romaine. Sélectionnées par des commanditaires aisés, en particulier pour l’apparat de leurs résidences, ces œuvres dans le goût moderne de l’époque hellénistique ont été trouvées à Rome et figurent ainsi dans la collection des princes Torlonia.

VIE DES FORMES. LES ORIGINALITÉS DE LA SCULPTURE ROMAINE

Nourrie d’art grec, auquel elle doit l’essentiel de ses ressources artistiques et figuratives, la sculpture romaine fait preuve d’une vitalité qui se traduit par une véritable originalité : nouveaux besoins, nouveaux genres, nouvelles orientations esthétiques et iconographiques proclament cette originalité de la sculpture romaine, comme en attestent les œuvres de cette section.

Le répertoire héraldique, issu des réélaborations de modèles grecs par les ateliers « néo-attiques »,  est d’une importance considérable pour le développement de l’art romain. Associant au sein de compositions symétriques des personnages en activité, il consiste en un répertoire de motifs que l’on peut dérouler à loisir, où l’image, chargée de significations génériques, devient un pur symbole, plus que la transcription réaliste d’une action. Ce principe de mise en composition servira aussi à la création de nouvelles images mythiques, comme la tauroctonie de Mithra, (sacrifice d’un taureau) dont l’image est à la fois narrative et profondément symbolique.

Cette liberté avec les principes de la perspective et de la construction réaliste de la figuration sert la fonction symbolique de l'image. Le grand relief votif montrant le port romain de Portus, unicum de l’art romain où les registres topographiques et symboliques se mêlent allègrement, sans égard pour la moindre perspective rationnelle, illustre le brouillage de la frontière entre art savant et art populaire, que le relief à scène de boucherie transgresse lui aussi de façon étonnante.

Les genres iconographiques et aux typologies inventées pour répondre à de nouveaux besoins, comptent parmi les originalités de l’art romain. Les images de barbares vaincus, nourris à l’art hellénistique, proclament sous forme monumentale la puissance de l’empereur et son invincibilité ; l’art impérial s’y incarne parfaitement. Les grands sarcophages, enfin, qui à partir du IIe siècle de notre ère servent à l’inhumation des défunts, stimulent l’art du relief. Narration continue, scènes mythologiques à caractère héraldique, allégories présentant le défunt comme l’un des Sept Sages de la Grèce ancienne ou compositions « biographiques » exaltant les réussites privées ou publiques du commanditaire enrichissent un répertoire d’images d’une étonnante vitalité, symptomatique de cet art romain qui se nourrit ailleurs mais, irrémédiablement, en vient à produire une expression parfaitement singulière.

UNE HISTOIRE EN COMMUN. DEUX COLLECTIONS SŒURS

Les marbres de la collection Torlonia et ceux du Louvre partagent très fréquemment une histoire commune ; nombreux sont ceux dont la présence est attestée dans la même collection, à la Renaissance ou aux siècles postérieurs. De ces origines partagées découle le fait que les deux ensembles traduisent matériellement l’histoire des variations du goût pour l’antique et de sa présentation. Les antiques du Louvre et ceux de la via della Lungara dessinent ainsi une histoire au long cours des pratiques de collection.

Les collections d’origine du Museo Torlonia et de sculpture grecque et romaine du musée du Louvre (jusqu’au milieu du XIXe siècle) semblent se renvoyer l’image de deux collections sœurs. Identité ponctuelle des contextes de provenance, pour des œuvres qui, dans des circonstances différentes, sont issues du même sol, tels les marbres provenant de la villa d’Hérode Atticus sur la via Appia.

La villa d’Hérode Atticus sur la via Appia

Hérode Atticus, grand notable athénien, sénateur romain, ami des empereurs, philosophe et orateur, est l’une des personnalités marquantes du IIe siècle apr. J.-C. Plusieurs de ses demeures nous sont connues par des trouvailles archéologiques, en Grèce mais aussi à Rome, où il disposait d’une somptueuse villa au sud-est de la ville, au bord de la via Appia. Fouillé dès le XVIe siècle, le site a livré des sculptures et des inscriptions qui, de la collection Borghèse, sont passées au Louvre en 1807. Dans la première moitié du XIXe siècle, la famille Torlonia entreprend à son tour des fouilles dans le secteur, qui livrent aussi des sculptures issues de la villa du sénateur athénien. L’exposition du Louvre constitue l’occasion d’assembler un petit ensemble évocateur de la personnalité d’Hérode Atticus, dispersé par l’histoire des collections.
Ces fragments nous laissent entrevoir la personnalité d’un mécène et collectionneur de très haute culture, proche du palais impérial et figure centrale des réseaux intellectuels de l’Empire. Les sculptures ainsi rassemblées, qui constituent un rare témoignage de ce que l’archéologie a révélé des propriétés et des collections d’Hérode Atticus, à Rome comme en Grèce, révéle l’origine topographique commune des collections. 

Deux collections de collections

Autre lien de parenté qui unit les deux collections, selon l’expression forgée par Salvatore Settis : toutes deux sont des « collections de collections ». Avant de s’enrichir du produit des fouilles conduites en Grèce, en Asie Mineure, en Afrique du Nord ou au Proche-Orient, durant  le premier demi-siècle de leur existence en tant que collection publique, les galeries d’Antiquités du Louvre, c’est-à-dire, selon un schéma que reproduira le Museo d’Alessandro Torlonia, des salles exposant presque exclusivement des sculptures, sont garnies de pièces provenant des collections royales (achetées pour beaucoup à Rome, parmi les collections nobiliaires et cardinalices) et des apports considérables des collections Borghèse et Albani.

La présentation (à une échelle monumentale), rapproche des sculptures passées concomitamment dans les mêmes collections : celles des illustres familles Savelli, Cesi et Medici pour le XVIe siècle, la collection Albani pour le XVIIIe siècle, révélant une multiplicité de parcours qui écrivent l’histoire riche et complexe des collections d’antiques entre la Renaissance et le XIXe siècle. La constitution de l’antique comme objet de délectation et de prestige, à la fois modèle pour les artistes, symbole d’un idéal de civilisation et objet de savoir est au fondement de la culture européenne et de l’idée de musée qui a donné naissance au Louvre.

Restaurer l’antique : une histoire

La passion pour l’Antique, dans la Rome des débuts de l’humanisme, a précédé de plusieurs siècles le sentiment que ces fragments ruinés de la Rome ancienne devaient être restaurés et complétés. Les premières descriptions des palais romains, comme celles de la cour du palais Savelli au théâtre de Marcellus, mais surtout les dessins de Martin van Heemskerck et de Pierre Jacques, nous renseignent sur la norme de présentation de ces collections au Quattrocento : des sculptures en fragments, disposés sans ordre apparent, appréciées comme ruines de l’Antiquité. L’apparition d’une nouvelle norme esthétique se fait cependant sentir à partir des premières décennies du XVIe siècle : l’Antique devient un objet esthétique à mi-chemin de l’Antiquité et de l’époque moderne.
Compléter les statues morcelées et lacunaires devient un sujet pour les artistes, au premier chef pour les sculpteurs, qui y trouvent une occasion de se mesurer à l’antique. Mais c’en est aussi un pour les commanditaires, qui cherchent à créer au sein des palais et des villas suburbaines des compositions harmonieuses, jouant le rôle d’un décor palatial.

L’histoire de la restauration des Antiques est donc celle de la transformation des attentes des collectionneurs, d’une part, et de l’approche adoptée par les sculpteurs, d’autre part : des restaurations virtuoses, en marbres polychromes, du XVIIe siècle, à la restauration archéologique pratiquée au Museo Torlonia dans les années 1870, en passant par l’approche littéraire héritée de la Renaissance, on retracera dans les grandes lignes, à partir d’exemples concrets, ces grandes tendances qui ont marqué l’appropriation par les modernes de la sculpture antique, jusqu’à l’avènement, au XIXe siècle, de l’objet archéologique dans sa dignité de fragment.

 

LA FONDATION TORLONIA RESTAURE SA COLLECTION

Les restaurations contemporaines entreprises sur les œuvres de la collection Torlonia permettent de d’apporter un éclairage nouveau sur leur histoire. Auparavant, les interventions visaient à recréer l'intégralité de la sculpture, en reconstruisant parfois les parties manquantes ou détériorées, aujourd'hui elles revêtent une valeur cognitive. Pour chacune des œuvres, un livre est constitué avec des données de restauration et des dessins : un rapport est rédigé compilant données de restauration et relevé de l'état matériel des œuvres.

La Fondation Torlonia, créée sur la volonté du prince Alessandro Torlonia, est promotrice d'une œuvre d'étude et de conservation fondamentale de la Collection Torlonia et la Villa Albani Torlonia en tant qu’héritage culturel de la Famille pour l'humanité" à transmettre aux générations futures.
Deux ensembles artistiques exceptionnels destinés à se rencontrer au fil de l'histoire, reflétant certains moments clés de notre civilisation, de l'histoire de la collection, de l'archéologie et de la restauration, ont été soigneusement préservés sous l'égide de la même famille.

Une activité constante et méticuleuse de conservation a été menée sous la haute surveillance du Ministère des Biens et des Activités Culturelles et que la fondation a poursuivi en obtenant d'importants résultats. Cela s'est concrétisé par l'ouverture des Laboratoires Torlonia dédiés à l'étude et à la restauration des plus de six cents marbres de la collection, ainsi que par la mise en place d'un programme innovant de conservation pour la Villa Albani Torlonia.

Les œuvres de la Collection Torlonia ont été restaurées par la Fondation Torlonia après un minutieux travail d’étude, avec le soutien de Bulgari, dans le cadre d'un accord de collaboration visant à valoriser la plus importante collection privée d'art antique au monde.

L'exposition est née d'un accord historique entre le Ministère des Biens et des Activités Culturelles et du Tourisme et la Fondazione Torlonia. Plus précisément, avec le Ministère, de la Direction Générale de l'Archéologie, des Beaux-Arts et du Paysage en collaboration avec la Surintendance spéciale de Rome. Il s'agit d'un projet ambitieux inauguré à Rome, rendu possible grâce à un engagement conjoint entre le secteur public et privé, dépassant les frontières nationales lors de la première étape d'une tournée mondiale.     

LA SURINTENDANCE SPECIALE DE ROME

L’exposition est née d’un accord entre le Ministère de la Culture de la République italienne et la Fondation Torlonia, qui a permis de redécouvrir, après plus de 50 ans d’oubli, une riche sélection de sculptures de la collection.
Un projet ambitieux, inauguré dans la capitale italienne, grâce à la Surintendance Spéciale de Rome : une entreprise conjointe entre public et privé et se poursuit au-delà des frontières nationales, avec la première étape étrangère d’une tournée mondiale.

La Surintendance Spéciale de Rome assure la haute supervision de la collection de la Fondation Torlonia pour les projets de restauration et pour les expositions en Italie et à l’étranger. Elle collabore à la définition de la tournée, dans laquelle les œuvres exposées changeront durant les diverses étapes, comme en témoigne cette exposition organisée par le musée du Louvre.

Cela fait de chaque exposition des marbres Torlonia un évènement en soi, impliquant des parcours différents, et des commissaires différents. L’exposition parisienne entend donner la possibilité d’admirer des œuvres extraordinaires et de découvrir un aspect peu connu de l’art romain dans l’histoire, offrant l’opportunité de comprendre comment est née et s’est développée une collection privée de sculpture antique, et comment elle peut aujourd’hui être présentée au public.

 

RESTAURATION DES APPARTEMENTS D’ANNE D’AUTRICHE, DITS DE LA REINE

Aile denon - RDC haut et bas (salles 408 à 414). Les appartements de la Reine comprennent 6 salles depuis la rotonde de Mars, entre le jardin de l’Infante et la cour Visconti.

Depuis l’été 2022, les appartements d’été d’Anne d’Autriche, dits de la Reine, d’une superficie totale de 1200 m2, font l’objet d’une restauration complète de l’ensemble des 6 salles, en vue d’accueillir à terme les collections romaines du Louvre dans une muséographie repensée. Cette importante campagne de travaux associe restauration du patrimoine et modernisation des équipements techniques, avec pour objectif d’améliorer les conditions de visite du public.

Des salles historiques

En 1655, Louis XIV commande à l’architecte Louis Le Vau la transformation de la galerie préexistante en appartements d’été pour sa mère, la reine Anne d’Autriche. Le Vau conçoit une enfilade de 6 pièces. Le décor des plafonds est confié au sculpteur français Michel Anguier, chargé des groupes en stuc, ainsi qu’au peintre Giovanni Francesco Romanelli pour les fresques sur enduit dans la tradition italienne.
Quand le palais devient musée à la fin du XVIIIe siècle, l’architecte Jean-Arnaud Raymond est chargé de la transformation des appartements royaux en galerie des Antiques. Au XIXe siècle, Hector Lefuel complète l’enfilade des appartements par la création de la salle d’Auguste. Depuis le XVIIe siècle, les restaurations successives liées aux désordres sanitaires puis le changement de destination de ces espaces pour la présentation des œuvres ont conduit à quelques modifications aussi bien dans le décor peint que dans celui sculpté et doré.

Redécouvrir ces salles historiques

Le musée du Louvre mène d’importants travaux d’aménagement de ses espaces muséographiques. Les salles romaines au rez-de-chaussée de l’aile Denon n’ont pas fait l’objet d’une rénovation fondamentale depuis les années 1930 et le dernier redéploiement des collections romaines remonte aux années 1980.
Les travaux actuels ont pour triple objectif de restaurer l’ensemble des salles et des décors, de moderniser des installations et réseaux techniques ainsi que de renouveler la présentation des collections romaines dans un large périmètre articulé autour de la cour du Sphinx. L’ouverture au public est attendue en 2027.
Le musée du Louvre propose au public de redécouvrir ces salles historiques lors de l’exposition où les marbres Torlonia s’installent pour leur premier séjour hors d’Italie, dans l’écrin restauré qu’offrent les appartements d’été d’Anne d’Autriche.

 

L’exposition est organisée par le musée du Louvre avec la collaboration exceptionnelle de la Surintendance spéciale pour les biens archéologiques de la Ville de Rome et de la Fondation Torlonia.

Cette exposition bénéficie du mécénat exceptionnel de Bulgari.
Les œuvres de la collection Torlonia ont été restaurées par la Fondation Torlonia, avec le soutien de Bulgari.
« Le mécénat de Bulgari s’inscrit parmi les nombreuses initiatives promues par la Maison au service de la protection et de la valorisation du patrimoine artistique de la ville éternelle. Par la mise en valeur de la plus importante collection privée d’antiques, Bulgari célèbre la passion pour l’art et la collection. » 

Avec le soutien de Deloitte.

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