Deux natures mortes de Floris van Schooten et de Peter Binoit, longtemps présentes dans les salles de peinture nordique du musée sous le statut d’oeuvres «Musées nationaux récupération » (MNR), mais dont on ignorait la provenance, viennent d’être restituées aux ayants droit de Mathilde Javal, spoliée pendant l’Occupation. Les deux tableaux viennent en outre de faire l’objet d’une donation qui a valeur de geste mémoriel. Les ayants droit de Mathilde Javal, récemment retrouvés grâce aux démarches proactives de l’État, ont en effet décidé d’offrir au Louvre ces tableaux, en mémoire des cinq membres de leur famille déportés et assassinés à Auschwitz.
Présentant les deux tableaux donnés ainsi que des documents relatifs à l’histoire de la famille Javal, témoins notamment de la persécution dont elle a fait l’objet, l’exposition est le résultat de cette rencontre entre des familles qui cherchent leurs racines et l’État qui enquête sur la provenance d’oeuvres spoliées. Son but est de faire vivre la mémoire des spoliations et autres violences subies par les familles juives sous l’Occupation et de témoigner de l’actualité toujours aussi vive de ses conséquences traumatiques.
Laurence des Cars, présidente-directrice du musée du Louvre : « La restitution de ces deux oeuvres spoliées en 1944 à la famille Javal, à l’issue d’un patient travail de recherche, est l’accomplissement d’un acte de justice, attendu depuis 80 ans. Leur donation au musée du Louvre par l’ensemble des ayants droit est un appel à ne jamais oublier, un engagement à transmettre la mémoire et un constant rappel à l’action. L’exposition que nous avons construite ensemble manifeste notre engagement à éclairer toujours davantage l’histoire des violences et des spoliations dont les familles juives ont été les victimes au cours de l’Occupation pour qu’aucune tache ne demeure dans les collections nationales. »
LES DEUX ŒUVRES
Les deux oeuvres, prises en France en 1944 par les nazis, n’avaient pas pu être restituées à leur retour d’Allemagne, faute d’en connaître les légitimes propriétaires. Une enquête récente a permis aux chercheurs du ministère de la Culture, des Archives nationales et de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) d’identifier la famille juive spoliée. Les ayants droit de Mathilde Javal ont ensuite pu être identifiés et retrouvés grâce à l’aide de généalogistes dans le cadre d’un mécénat de compétence de Généalogistes de France, l’organisation nationale représentative des professionnels de la généalogie. L’État a donc ainsi pu restituer les deux peintures aux ayants droit, les descendants de des deux soeurs des enfants du couple de Mathilde Javal – la famille d’Alice, épouse Weiller, et celle de Jeanne, épouse Weiss – qui ont décidé de leur donation.
Floris van Schooten ( ?, vers 1588 – Haarlem, actuel royaume des Pays-Bas, 1656)
Nature morte au jambon
Huile sur panneau
Années 1630 ?
Dans ce tableau peint à Haarlem, la mise en scène des objets est nette : surplombante, l’image aligne pains, jambon, fromages, beurre, sel, verre d’alcool. Les récipients sont de matières bien marquées (faïence, métal, grès, verre), de formes diverses (circulaire, ovoïde, polyédrique). On distingue pains bis et noir. L’objet clé est le couteau : jambon tranché, pain coupé, fromages entamés en facettes ou en cercle… Reflets mats, luisances, ombres portées ou ombres propres, empilements, superpositions inachevées et jeux de textures (lisse, gras, sec, alvéolé) complètent ce jeu avec le regard.
Peter Binoit (Cologne, actuelle Allemagne, ? – Hanau, actuelle Allemagne, 1632),
Mets, fruits et verre sur une table
Huile sur panneau
Années 1620 ?
La nature morte s’est ancrée dans l’aire germanique des années 1620. Ce tableau en offre l’exemple fastueux : le römer présenté sur un pied ouvragé en vermeil, la tazza en argent, le verre « façon de Venise ». La présence d’insectes (deux mouches, une coccinelle…) fait allusion à la vanité des splendeurs terrestres. Les pièces d’argent étalées et l’oeillet, fleur des fiançailles, renforcent le réseau des significations possibles. D’un raffinement immaculé, le tableau atteste le sentiment de la couleur chez Peter Binoit.
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