Le musée du Louvre acquiert une icône russe en triptyque représentant saint Nicolas, sainte Alexandra et saint Alexis

13 mai 2022
Le musée du Louvre acquiert par préemption en vente publique une icône impériale russe en triptyque représentant saint Nicolas, sainte Alexandra et saint Alexis.
D’une provenance prestigieuse, ce chef-d’oeuvre de l’orfèvrerie russe du début du XXe siècle, en argent serti de vermeil et rehaussé de pierres semiprécieuses, constitue la première acquisition réalisée par le musée du Louvre pour le futur département des Arts de Byzance et des chrétientés d’Orient.


Dans un très bon état de conservation, ce triptyque d’un modernisme affirmé souligne le regard constant porté par l’Orient chrétien sur l’Occident, dans un dialogue perpétuel, propice au renouvellement des formes.
Au sein du parcours du département des Arts de Byzance et des chrétientés d’Orient, qui accueillera ses premiers visiteurs à l’horizon 2025, cette icône permettra d’évoquer la vitalité de l’art orthodoxe dans les premières années du XXe siècle, témoin à la fois la chute de l’Empire russe et de celle de l’Empire ottoman.


Orfèvre Kuzma Ivanovich Konov pour la maison P. I. Olovyanishnikov Fils,
Icône en triptyque représentant saint Nicolas, sainte Alexandra et saint Alexis
Monture en argent sertie de vermeil, incrustée de nacre et rehaussée d’améthystes, de grenats et d’aigues-marines facettés, peinture sur argent couverte d’une plaque de mica, elle-même couverte de filigranes de vermeil.
H. : 21 cm ; L. : 36 cm (ouvert).
H. : 21 cm ; L. : 18 cm (fermé). Poids brut : 2575,5 g MC.
Moscou, vers 1908-1910.


Le triptyque en argent, serti de vermeil, présente sur chacun de ses panneaux un riche entour de mosaïque de nacre enrichi de grenats et d’améthystes facettés. Sur le panneau central apparaît saint Nicolas, figuré à mi-corps, vêtu d’un vêtement richement brodé, d’une chape épiscopale ornée de croix au-dessus de laquelle est drapée son étole. Conformément à son iconographie traditionnelle, il a le front bombé et dégarni, la barbe fournie et grisonnante, et l’expression recueillie. Sa main droite bénit ; la gauche, drapée dans la chasuble, soutient les Écritures, dans une reliure orfévrée.
La peinture, exécutée à l’huile sur métal, est protégée par une plaque de mica aux dimensions de la fenêtre centrale, sur laquelle court, tout autour de la figure du saint, un réseau de filigranes de vermeil en guise d’oklad (couverture métallique magnifiant les icônes et les protégeant de l’usure).
Sur les panneaux latéraux se tiennent sainte Alexandra (à droite) et saint Alexis (à gauche), tournés vers saint Nicolas. La première est vêtue en impératrice. Elle tient un phylactère dans la main droite. Le second porte le costume des métropolites. Il tient les Écritures dans une reliure d’orfèvrerie. Leur silhouette se découpe sur l’oklad de filigranes de vermeil, posés sur une feuille de mica. Bien que les noms des saints personnages ne soient pas indiqués, chacun est bien identifiable à ses caractéristiques physiques et à son costume.
Les volets portent, au revers, la représentation stylisée de coupes d’où jaillissent des rinceaux de vigne, chargés de grappes de raisin.

Le triptyque porte la marque de l’orfèvre Kuzma Ivanovich Konov, qui dirigea de 1908 à 1917 l’atelier d’orfèvrerie de la maison P. I. Olovyanishnikov Fils, à Moscou. Cet atelier comprenait alors quatre-vingt-six personnes (bijoutiers, émailleurs et ciseleurs). La maison P. I. Olovyanishnikov domine alors la production d’objets et tissus liturgiques, et s’illustre particulièrement dans la réalisation d’icônes, fortement influencées par le courant Art Nouveau. Dynastie de marchands réputée depuis le XVIIe siècle, la firme P. I. Olovyanishnikov Fils s’entoure des meilleurs orfèvres et développe un style moderne et parfaitement reconnaissable, à la fois innovant et précieux pour enchâsser les icônes, peintes au sein d’un département dédié. Nacre, vermeil, pierres précieuses et semiprécieuses, tout est réuni pour faire de ces icônes de véritables bijoux.

Le triptyque appartient à la production la plus prestigieuse de la maison P. I. Olovyanishnikov. Son iconographie renforce encore son intérêt et sa rareté. La composition correspond à la tradition russe des « saints choisis », qui consiste à réunir sur une même oeuvre des figures hagiographiques n’ayant aucun lien entre elles, ayant même vécu à des périodes et dans des circonstances très différentes. Leur présence est déterminée par les noms des commanditaires, qui vénèrent ainsi sur un même panneau leurs patrons ou les protecteurs de leur famille. Ainsi, on reconnaît sans peine ici les patrons du tsar Nicolas II, de la tsarine Alexandra Feodorovna et du tsarévitch Alexis Nikolaïevich Romanov. La maison P. I. Olovyanishnikov Fils avait, en effet, obtenu en 1909 le titre de « fournisseur de la cour de Sa Majesté impériale » et, depuis 1911, celui de fournisseur de la cour de la tsarine Alexandra Feodorovna.
Ces icônes étaient conservées par les membres de la cour pour leur dévotion particulière, ou offertes par eux à leurs proches ou à leurs obligés.

Conservée par la famille Olovyanishnikov, l’icône représentant saint Nicolas, sainte Alexandra et saint Alexis a échappé aux saisies de l’ère soviétique. Elle appartenait en effet à Maria Olovyanishnikova (1878-1948), fille d’Ivan Porfierievich Olovyanishnikov qui épousa Jurgis Kazimirovich Baltrušaitis (1873-1944), l’un des poètes les plus célèbres de l’Âge d’Argent et ambassadeur de Lituanie à Moscou. Leur fils Jurgis Baltrušaitis (1903-1988) célèbre historien de l’art, a conservé l’héritage de ses parents et notamment les icônes. Sa rencontre en 1924 avec Henri Focillon (1881-1943) lui permet de connaître celle qui deviendra son épouse, Hélène Baltrušaitis (née Castell-Focillon, 1908-2004), fille adoptive d’Henri Focillon. L’icône en triptyque conservée sans interruption par la famille présente ainsi une provenance parfaitement assurée, tout autant que prestigieuse.

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