Parmi les figures familières et populaires qui peuplent les salles du musée du Louvre se trouvent les Saisons de Giuseppe Arcimboldo (1526-1593).
Une restauration fondamentale de huit mois (de mai 2023 à la fin janvier 2024), réalisée par Roberto Merlo de l’atelier Arcanes, au sein de l’atelier du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), restitue aujourd’hui aux figures leur composition originelle, monumentale et sculpturale. Les "têtes composées" respirent et s'expriment davantage sur un fond noir uni et profond. L’intervention a révélé une palette lumineuse et variée, donnant aux visages une expression plus subtile et ambiguë. Le dialogue imaginé par Arcimboldo entre les quatre saisons est désormais bien plus animé et vivant.
Une fois la restauration terminée, les cadres ont été adaptés par l’atelier encadrement-dorure du musée, en coordination avec le département des Peintures, afin d’améliorer la présentation des œuvres restaurées.
Le public retrouvera les quatre tableaux dans la Grande Galerie à compter du mercredi 5 juin.
UNE RESTAURATION FONDAMENTALE POUR RETROUVER L’INTÉGRITÉ DES TABLEAUX
Les tableaux présentaient un aspect jauni, dû à l'oxydation des vernis de restauration qui souffraient aussi de blanchiments voilant la peinture. La décision de restaurer ambitionnait de retrouver une meilleur lisibilité des oeuvres et une gamme chromatique plus proche de celle voulue par l’artiste.
Le cahier des charges initial prévoyait un simple allègement de vernis. Mais rapidement s'est posée la question du traitement de la guirlande de fleurs qui recouvrait les bords des compositions. On savait qu'il s'agissait d'un ajout postérieur à Arcimboldo, qui a toujours conçu ses têtes composées sur des fonds noirs unis. Ces festons avaient sans doute été peints au moment de la modification du format des toiles originales, coupées puis ré-agrandies chacune sur deux de leurs côtés, un vertical et un horizontal, une première fois au XVIIIe siècle et une seconde vers la fin du XIXe siècle ou début du XXe siècle.
Au cours de la restauration, l'analyse chimique des pigments a indiqué que ces guirlandes étaient moins anciennes que ce l'on croyait et dataient au mieux du XVIIIe siècle, voire du XIXe siècle. Par ailleurs, l'imagerie scientifique (radiographie et réflectographie infrarouge) a démontré que ces fleurs recouvraient sur environ 4 centimètres la peinture originale sur les quatre bords, cachant non seulement le fond noir uni si important pour la respiration des figures, mais aussi des parties significatives des têtes composées, tel le blason avec les armes de Meissen sur L'Hiver, symbole de l'Électeur Auguste de Saxe, le premier destinataire des œuvres. On a également compris que les modifications de format, opérées depuis le XVIIIe siècle, avaient rompu le parfait alignement des têtes et de leur regard.
Fort de ces nouvelles découvertes, la décision a été prise de retirer les guirlandes afin de retrouver la matière d'Arcimboldo. Pour les deux côtés de la toile originale qui n'avaient pas été coupés, il a suffi d’éliminer la bordure de fleurs pour dévoiler la couche picturale sous-jacente, qui était bien conservée. C'est ainsi que plusieurs fleurs couronnant la tête du Printemps ont été redécouvertes sous les repeints ou encore l’ensemble des armoiries de Meissen sur le manteau de L’Hiver.
En revanche, pour les deux autres côtés anciennement coupés, le restaurateur, Roberto Merlo, a restitué les éléments manquants en se fondant sur une série de copies très fidèles, probablement réalisée au XVIIe siècle. La suppression de la guirlande a rendu aux figures leur lisibilité, mais aussi une respiration et une monumentalité saisissante.
La restauration a révélé un très bon état de conservation de la matière picturale, avec une palette claire et brillante. La seule altération irrémédiable concerne le pigment bleu de smalt qui a viré au brun au cour du temps. Arcimboldo l'a utilisé dans Le Printemps pour certaines parties de la chevelure et l'iris germanica sortant de la poitrine.
On peut désormais apprécier la subtilité de la technique picturale de l'artiste qui module la couleur comme l'ombre et la lumière pour décrire précisément les végétaux et leur donner du relief. Il crée ainsi l'illusion d'un mouvement et d'une expression.
A l'issue de la restauration, l'aménagement des cadres des tableaux a permis de retrouver l'alignement des regards des quatre saisons dont le dialogue peut à nouveau s'épanouir.
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